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Les Promenades d'Erin

120 battements par minutes, de Robin Campillo (2017)

13 Décembre 2019, 22:44pm

Publié par Erin

120 battements par minutes, de Robin Campillo (2017)

En France, au début des années 1990. Le SIDA tue des milliers de personnes, très rapidement (environ trois victimes par jour). L'association Act-Up Paris mène des actions politiques spectaculaires pour éveiller les consciences, bousculer le gouvernement, qui selon elle n'agit pas comme il le faudrait pour enrayer l'épidémie et protéger les malades. Nathan est séro-négatif et nouvel adhérant à Act-Up. Sean est séro-positif et activiste depuis longtemps, pris dans l'urgence de sa maladie. Ces deux personnages vont s'aimer, au milieu des différentes actions et réunions politiques en essayant de surmonter les obstacles semés par le SIDA.

En vrai, j'avais vu le film à sa sortie en 2017. Mais à l'époque, je n'avais pas de blog pour en faire la critique. Alors quand le ciné-club de chez moi m'a donné l'opportunité de revoir ce film sur grand écran à l'occasion de la journée mondiale contre le SIDA, je ne me suis pas faite prier.

C'est un film extraordinaire pour plein de raisons différentes. D'abord parce que Robin Campillo a fait parti d'Act-Up durant ces "années SIDA". En conséquence, le film bien qu'il soit une fiction, est construit comme une documentaire et nous offre une point de vue unique sur la manière dont l'association fonctionne et sur cette époque. Du coup, si comme moi, vous n'étiez pas politiquement très actifs durant cette période, c'est un témoignage important.

En dehors de cela, cette belle histoire est portée par d'excellents comédiens (notamment Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois et Adèle Haenel entre autres) habités par leurs personnages et par l'urgence vitale dans laquelle ils se trouvent. Les scènes de réunions hebdomadaires d'Act-Up sont très bien filmées, le bordel ambiant n'en est pas vraiment un... Chacun s'exprime et s'écoute, poussant le spectateur à suivre les débats comme s'il y était.

La force de ce film c'est qu'on s'attache aux personnages comme s'ils étaient nos proches, on veut rester avec eux même longtemps après la fin de l'histoire. Malgré la mort qui les frappe régulièrement, ils sont dans l'urgence de leur propre vie, ont une énergie extraordinaire, qui empêche le film de tomber dans un pathos déplacé. Les militants d'Act-Up n'ont pas le temps d'être tristes. Ils transforment leur colère en énergie créatrice pour faire entendre leurs idées. De "l'opération Cicéron" (ou l'encapotage de l'obélisque de la Concorde) aux "die-in" intenses dans les rues de Paris, nous suivons cette bande de gens déterminés qui dansent comme des forcenés en boîte de nuit, pour relâcher la pression et oublier un instant que leur vie est une galère.

Depuis 1996 et l'arrivée des trithérapies, les traitements contre le VIH évoluent et c'est aussi grâce à Act-Up et à ses militants. Aujourd'hui on vit plus longtemps avec le VIH que dans les années 1990 et c'est tant mieux. Mais c'est encore loin d'être gagné. Seulement si on l'avait oublié, 120 battements par minutes nous remet les idées en place.

Comme le disait Arnaud Rebotini (compositeur de la musique du film) lors de la remise de son césar il y a deux ans: "le SIDA n'est pas qu'un film"... Alors mettons des préservatifs, faisons-nous dépister régulièrement et luttons contre la banalisation de ce fléau.

 

Cet article est dédié à Ludovic Bouchet, décédé en novembre 2019.

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